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Fin de partie en Syrie ?

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Annoncé en décembre 2018, le retrait américain de Syrie provoque une onde de choc. Sur le plan médiatique, la mort d'Abou Bakr al-Baghdadi (26 octobre 2019) a permis à Donald Trump d'en éclipser les conséquences immédiates. À l'instar de Barack Obama, qui avait assisté en direct à la neutralisation d'Oussama ben Laden (2 mai 2011), Trump a mis en scène l'épisode pour apparaître comme un chef de guerre.

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Contenu intervention médiatique

Pas plus que la mort de ben Laden n'a mis un terme aux activités d'Al-Qaïda, celle de l'autoproclamé calife ne mettra fin aux exactions de l'État islamique, même si ce dernier est défait militairement. Depuis quarante ans, date de l'intervention soviétique en Afghanistan et de la révolution islamiste en Iran, la mouvance djihadiste ne cesse de se métamorphoser et d'irradier dans plus de soixante pays. Sur le plan symbolique, RT (anciennement Russia Today), chaîne financée par le Kremlin, a diffusé les images d'un convoi militaire américain croisant un convoi militaire syrien. Le 16 octobre, le ministère russe de la Défense déclarait : « Les autorités syriennes et le commandement russe ont pris toutes les mesures pour assurer la sécurité du retrait des troupes étrangères. » Quelles conclusions peuvent être tirées de cette fin de partie, forcément provisoire ?


En premier lieu, il est probable que s'achève un cycle d'interventions militaires américaines. Pour Michael Mandelbaum, professeur à l'Université Johns-Hopkins à Washington, le vrai tournant de la politique étrangère américaine ne se situerait pas en 2003 avec l'Operation Iraqi Freedom (mars-mai), mais en 1991 avec l'Operation Provide Comfort (avril-juillet) au cours de laquelle les États-Unis et leurs alliés apportèrent une aide humanitaire aux réfugiés kurdes fuyant les bombardements chimiques de Saddam Hussein au nord de l'Irak. Cette intervention humanitaire aurait posé le cadre de la politique américaine post-Guerre froide : si l'annexion du Koweït par Saddam Hussein menaçait les intérêts régionaux des États-Unis, sa répression des Kurdes heurtait leurs valeurs. La politique américaine serait alors passée de la guerre à la gouvernance, c'est-à-dire qu'elle aurait décidé de se focaliser sur ce que les régimes font à l'intérieur de leurs frontières1. Le Kurdistan irakien a ouvert un cycle d'interventions humanitaires rendues possibles par un fort accompagnement militaire, qui a abouti au concept de « responsabilité de protéger » adopté par l'Assemblée générale des Nations unies en 2005.


En second lieu, ce retrait américain a scellé le sort des Kurdes, abandonnés alors même qu'ils avaient combattu au sol l'État islamique au prix de lourdes pertes. L'intervention militaire de la Turquie marque aussi un tournant car Recep Tayyip Erdo?an trouve là un dérivatif efficace au moment où son pays traverse une profonde crise économique et sociale2. Il trouve surtout l'occasion d'infliger une lourde défaite politique aux Kurdes. La Turquie a accueilli plus de deux millions de réfugiés syriens et souhaiterait encourager leur retour. Si elle s'est rapprochée de Moscou, elle reste membre de l'Otan. Au sein de cette dernière, les critiques de son intervention sont restées mesurées. En revanche, elles sont beaucoup plus vives sur le plan bilatéral. En France, le 30 octobre, l'Assemblée nationale a adopté à l'unanimité (mais avec 121 votants) une résolution condamnant l'offensive turque dans le nord-est de l'Irak, résolution voulant marquer un soutien politique au peuple kurde. Elle a été, à son tour, fermement condamnée par le ministère turc des Affaires étrangères pour lequel « la perception de la réalité » des autorités françaises « est paralysée par un prétendu romantisme du YPG [Yekîneyên Parastina Gel, Unités de protection du peuple], et elles restent aveugles aux persécutions perpétrées par cette organisation terroriste qui prétend représenter les Kurdes ».


La combinaison du retrait américain et de l'intervention turque accentue le problème de sécurité auquel la France est confrontée. En effet, sa présence militaire au Levant, sur le terrain, bénéficiait de la logistique américaine. De plus, les Kurdes détenaient des djihadistes français. Rappelons que 1 300 Français sont partis se battre au Levant. 400 (dont 125 enfants) sont rentrés. On estime à environ 400 (dont 250 enfants) le nombre de Français présents dans le nord-est de la Syrie et à environ 150 ceux qui se trouvent dans la poche d'Idlib. Il faut d'urgence reconfigurer notre dispositif au Levant.

 

1 M. Mandelbaum, Mission Failure, Oxford University Press, New York, 2016.

2 Cf. Dorothée Schmid, « Turquie : les ressorts de la crise », dans ce numéro, pp. 7-18.

 

Voir l'article sur le site de la revue Etudes

 

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Thomas GOMART

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Directeur de l'Ifri