En France, l’armée de terre s’engage à pas prudents vers le combat robotisé
Après avoir pris du retard en matière de drones aériens armés, l’armée de terre veut accélérer dans le domaine des munitions téléopérées et des robots terrestres, même si les défis techniques et éthiques restent nombreux.
Le combat robotisé est une discipline plus complexe qu’il n’y paraît. Telle est en substance la leçon de la deuxième journée de la robotique, qui a été organisée le 10 mai par l’armée de terre française au camp de Beynes, dans les Yvelines. Cette session servait d’ouverture à une compétition militaire atypique baptisée « Cohoma », pour « collaboration homme machine ». L’idée était d’associer, jusqu’au 7 juin, des équipes de militaires, d’ingénieurs et d’entreprises de la défense, afin de tester des prototypes de drones aériens et terrestres autour de scénarios inspirés de situations réelles.
A mi-chemin de l’ambiance aseptisée des salons d’armement, où ces types de systèmes sont régulièrement exhibés, et des vidéos issues du théâtre ukrainien, qui peuvent parfois laisser croire à une facilité d’emploi de ces nouvelles technologies, c’est au contraire toute la complexité de l’usage coordonné de ces équipements que permettait de toucher du doigt la démonstration conduite à Beynes par une unité d’infanterie spécialisée. L’opération fictive était menée devant un parterre de personnalités choisies et réunissait l’ensemble des projets à l’étude au sein de l’armée de terre.
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Course aux armements robotisés
Si les drones aériens sont les systèmes sur lesquels les armées du monde ont avancé le plus vite ces dernières années, le développement des robots terrestres, lui, patine encore.
A Beynes, l’armée de terre a ainsi présenté une plate-forme roulante équipée d’une mitrailleuse de 12,7 millimètres. Mais ce système est encore loin des normes de la direction générale de l’armement. C’est donc d’abord par des robots de déminage, dits Sminex, que l’armée de terre devrait débuter le développement de sa panoplie d’engins terrestres, avec des livraisons prévues à l’horizon 2029 ou 2030.
« Dans le domaine terrestre, en France comme ailleurs, les expérimentations ne sont pas encore aussi probantes qu’espéré, explique Laure de Roucy-Rochegonde, chercheuse à l’Institut français de relations internationales, autrice en 2022 d’une note consacrée aux enjeux de l’autonomisation des systèmes d’armes.
Les technologies ne sont pas matures, notamment concernant l’évolution des robots en terrains variés, décrit la chercheuse. Même si tout cela finira par évoluer, certains tests ont aussi montré que ces systèmes pouvaient limiter le nombre de victimes, mais au prix d’un ralentissement des opérations. »
A la différence des drones aériens et navals, les robots terrestres n’ont d’ailleurs pratiquement pas été observés en Ukraine, souligne Laure de Roucy-Rochegonde. Alors que la Russie est a priori déjà dotée du Marker, un véhicule terrestre sans pilote, armé notamment de canons antichars, et d’un blindé autonome baptisé Uran-9, sorte de gros véhicule de combat d’infanterie, elle ne les a pas déployés en Ukraine.
« Testé en Syrie il y a quelques années, l’Uran-9 avait été confronté au problème de repérage des variations de terrain, et il peinait à capter du signal dans une zone où l’électromagnétique est contesté », détaille la chercheuse.
Face à cette inexorable course aux armements robotisés, l’Agence européenne de défense, basée à Bruxelles, longtemps restée en retrait de ce domaine sensible, a elle aussi fini par sauter le pas. En février, elle a annoncé le lancement d’un projet dénommé Combat Unmanned Ground Systems (« systèmes terrestres de combat sans pilote »). Doté de 35,5 millions d’euros, il réunit neuf Etats et vingt-huit industriels. Il vise à développer, d’ici à trois ans, des prototypes de systèmes terrestres de combat « hautement autonomes ».
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