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chronique parue dans la revue

  Études
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Sept ans séparent les deux discours d’Emmanuel Macron à la Sorbonne. En 2017, le président de la République avait choisi le grand amphithéâtre pour parler d’Europe et présenter sa conception de la « souveraineté européenne », confirmant un engagement européen qui lui avait permis de se singulariser par rapport à ses concurrents à l’élection présidentielle.

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Thomas Gomart
Thomas Gomart
Mike Chevreuil
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Ce discours avait rencontré un large écho en Europe dans un contexte marqué par le Brexit, qui semblait être alors un des obstacles obligeant à une « refondation » de l’Union européenne (UE).

En 2024, celle-ci s’inscrit dans un contexte stratégique qui a connu une transformation aussi rapide que profonde, de la crise sanitaire à la guerre d’Ukraine en passant par la rivalité sino-américaine ou les revendications politiques du « Sud global ». Emmanuel Macron fait le constat d’une bascule et d’un changement des règles censées régir le système international. Une formule résume la gravité du moment : « Notre Europe aujourd’hui est mortelle. Elle peut mourir et cela dépend uniquement de nos choix. » Face à une accélération de l’histoire se faisant à ses dépens, l’Europe doit réagir rapidement en changeant son mode de fonctionnement. L’intervention présidentielle a été précédée par celles de Mario Draghi et d’Enrico Letta, les deux anciens Premiers ministres italiens, également convaincus de l’urgente nécessité de changer les choses en évitant de commencer par la question institutionnelle. Dans son rapport, Enrico Letta propose notamment d’élargir le périmètre du marché unique à trois secteurs stratégiques : la finance, les télécommunications et l’énergie.

Articulé autour de trois mots-clés (puissance, prospérité et humanisme), le second discours de la Sorbonne vise à la fois les électeurs français et les partenaires européens. À deux mois du scrutin, la liste conduite par Valérie Hayer, soutenue par le Président, est largement distancée par celle de Jordan Bardella, qui appelle à la dissolution en cas de victoire. Autrement dit, les élections européennes représentent un enjeu de politique intérieure pour le Président, qui s’appuie sur une majorité relative à l’Assemblée nationale. Elles devraient aboutir à l’arrivée au Parlement européen d’un plus grand nombre de souverainistes nationaux dont le positionnement consiste à fustiger le supranationalisme, incarné, à leurs yeux, par la Commission européenne. Par ailleurs, les fédéralistes ne se retrouvent pas forcément dans le concept de « souveraineté européenne », même s’il existe un consensus tacite pour dire que l’Europe est la seule échelle pertinente pour penser un monde travaillé par des logiques de puissances étatiques. L’ambition d’Emmanuel Macron est d’établir un clivage entre souverainistes européens et souverainistes nationaux en soulignant que ces derniers, instruits par le Brexit, n’envisagent plus de quitter l’UE ou la zone euro. Ils n’en demeurent pas moins dangereux selon lui.

Son discours a sans doute plus de portée à l’égard des partenaires européens dans la mesure où ils se préparent à un possible retour de Donald Trump à la Maison blanche, retour qui changerait inévitablement la nature de la relation transatlantique. Emmanuel Macron constate que les deux premières économies mondiales se sont affranchies des règles du commerce international. La guerre d’Ukraine constitue la principale priorité stratégique et oblige à accélérer les efforts en faveur d’une défense commune. À travers la Communauté politique européenne (CPE), il rappelle le partenariat franco-britannique au moment où les tensions franco-allemandes apparaissent sur le dossier des systèmes antimissiles. Il réaffirme aussi l’importance civile et militaire du nucléaire, condition pour que l’Europe devienne « une puissance électrique ». Les besoins considérables en financements dans les prochaines décennies invitent à repenser les mécanismes fiscaux et monétaires. Emmanuel Macron conclut son discours sur l’espace numérique, qui doit faire l’objet d’une extrême vigilance.

En fin de compte, le second discours de la Sorbonne aura abordé, plus ou moins explicitement, les sujets qui revêtent un caractère prioritaire à court, moyen et long termes : la guerre d’Ukraine, les nouvelles conditions de la productivité, la géopolitique des talents et une grande stratégie verte. Encore faut-il que les électeurs européens soient convaincus que leurs trajectoires nationales sont plus que jamais liées les unes aux autres pour avancer ensemble.

 

> Lire la chronique sur le site de la revue Études

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Thomas GOMART

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