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chronique parue dans la revue

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Il est marquant de constater à quel point les prochaines élections présidentielles américaines, en novembre 2024, sont l’horizon actuel de tout effort de prévision. Les médias spéculent sur un éventuel retour à la Maison blanche de Donald Trump, en tête des sondages malgré ses déboires judiciaires. Ils s’interrogent sur les raisons de la faible popularité de Joe Biden, en dépit de ses résultats économiques.

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Thomas Gomart
Thomas Gomart
Mike Chevreuil
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Le débat politique est désormais tellement polarisé que le choix des électeurs se fonde moins sur des éléments d’appréciation objectifs que sur une appartenance partisane. Autrement dit, tout est possible, mais la démocratie semble atteinte en son cœur depuis l’assaut contre le Capitole en janvier 2021 par les partisans de Trump, assaut comparé à « l’incendie du Reichstag » par le général Mark A. Milley, le chef d’état-major des armées américaines.

Lors de son discours de départ, ce général a rendu un hommage appuyé au président Biden avant de souligner le rôle clé des forces armées en raison de leur neutralité politique. Après avoir rappelé la devise du pays « E pluribus unum » (« Un seul à partir de plusieurs »), placé sous la protection de Dieu, il a insisté sur la spécificité des militaires américains qui constituent la force « la plus capable et la plus létale au monde ». Largement diffusée, son intervention ciblait évidemment Trump : « Nous ne prêtons pas serment à un pays. Nous ne prêtons pas serment à une tribu. Nous ne prêtons pas serment à une religion. Nous ne prêtons pas serment à un roi, une reine, un tyran ou un dictateur. Et nous ne prêtons pas serment à un apprenti dictateur […]. Nous prêtons serment à la Constitution et à l’idée que représente l’Amérique, prêts à mourir pour la protéger. »

Véritable clé de l’édifice institutionnel américain par sa neutralité, l’armée américaine joue aussi un rôle direct en matière de politique étrangère. C’est particulièrement visible dans le soutien apporté à l’Ukraine mais, depuis cet été, s’est installée l’idée selon laquelle une victoire républicaine pourrait s’accompagner d’une nette diminution, voire d’un arrêt, de l’aide militaire de Washington à Kiev. Il existe un scepticisme grandissant sur la capacité des Ukrainiens à atteindre leur objectif face à une Russie qui s’est lancée à corps perdu dans une guerre de longue durée. Si cette option existe, et si Trump assure qu’il arrêterait la guerre « en vingt-quatre heures », elle mérite d’être fortement nuancée pour deux raisons principales. La première réside dans l’existence d’une majorité bipartisane solide en faveur de la poursuite, voire de l’accélération, des livraisons d’armes. Des critiques reprochent à l’administration Biden sa prudence et sa retenue au moment où l’Ukraine produisait sa contre-offensive. La seconde tient au positionnement international des États-Unis, assez bien résumé par la candidate républicaine Nikki Haley, ancienne ambassadrice à l’Organisation des nations unies : « Une victoire pour la Russie, c’est une victoire pour la Chine. »

Il n’en demeure pas moins que les Européens ne peuvent écarter cette option s’ils veulent faire preuve d’un minimum de sérieux en matière de planification stratégique. Quelle devrait être leur réaction en cas de diminution ou d’arrêt du soutien américain à l’Ukraine ? Devraient-ils s’aligner ou, au contraire, accroître leur soutien ? Cette autre voie conduit à souligner que l’avenir de l’autonomie stratégique européenne est intimement lié, quelles qu’en soient les évolutions, aux développements futurs de la guerre en Ukraine.

Particulièrement attentifs aux inflexions de la politique chinoise en raison de leur rivalité stratégique, les États-Unis renforcent leur centralité géopolitique avec les événements en cours en Ukraine et en Israël, centralité accentuée par la cohérence des décisions prises par l’administration Biden. À ce choix stratégique s’ajoute une dimension économique, toujours importante à souligner : les États-Unis représentaient 25 % du produit intérieur brut mondial en 1980, c’était encore le cas en 1995 au sommet de leur « moment unipolaire » et c’est toujours le cas en 2023. Autrement dit, les États-Unis conservent un pouvoir de structuration sans équivalent, qui tient notamment à leur maîtrise simultanée des flux financiers et d’information. L’Europe, quant à elle, voit son poids relatif diminuer de manière accélérée. C’est pourquoi il serait bien hasardeux de miser sur un repli des États-Unis ou sur une perte d’influence de leur part dans les années qui viennent. Quel que soit le Président prochainement élu.
 

> Lire la chronique sur le site d ela revue Études

 

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