Allemagne : du droit d’asile au contrôle des frontières, 75 ans de politiques migratoires
La décision de Berlin de rétablir des contrôles à toutes ses frontières a été citée comme exemple par Michel Barnier. Cette mesure hautement symbolique, concession à l’extrême droite, ne change pourtant pas grand-chose au besoin allemand de main-d’œuvre étrangère.
« La France continuera, aussi longtemps que nécessaire, à rétablir des contrôles à ses propres frontières, comme le permettent les règles européennes, et comme l’Allemagne vient de le faire », a annoncé Michel Barnier lors de sa déclaration de politique générale, le 1er octobre. Depuis le 16 septembre, en application d’une modification des statuts de l’espace Schengen, l’Allemagne a en effet rétabli des contrôles individuels à la totalité de ses frontières, y compris avec la France, pour six mois reconductibles, dans une mesure à la puissante portée symbolique.
La décision fait suite à un résultat électoral historique – l’extrême droite allemande a remporté pour la première fois depuis 1945 des élections régionales, le 1er septembre, en Thuringe – et témoigne des déchirements outre-Rhin autour de la question des réfugiés politiques, notamment syriens et afghans, les plus visés. Pour autant, la décision de Berlin s’inscrit dans une longue histoire, qui est spécifique à l’Allemagne : celle d’une immigration aussi indispensable que décriée.
Après-guerre, une politique d’asile et un besoin de main-d’œuvre
Le droit d’asile est inscrit dans la constitution de l’Allemagne de l’Ouest, la Grundgesetz, ou « loi fondamentale », depuis 1949. Il s’agit du seul droit fondamental accordé aux étrangers, et un engagement assumé au sortir de la seconde guerre mondiale. « L’Allemagne a vécu le traumatisme du national-socialisme et a pris conscience de sa responsabilité, elle souhaite mettre en avant les droits humains », décrypte Jeanette Süss, chercheuse à l’Institut français des relations internationales.
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- Le pays peine par ailleurs à faire face au flux de migrants. « A l’échelle locale et régionale, il y a un sentiment de débordement des capacités d’accueil, d’hébergement, de formation linguistique, etc. », constate Jeanette Süss. Symbole de cette saturation, 7 000 personnes sont hébergées dans des conditions chaotiques à l’ancien aéroport Tegel.
- « C’est un enjeu absolument énorme en Allemagne, où il y a un nombre immense de postes vacants (700 000 en 2023), qui pourrait être supérieur à 1,5 million, allant jusqu’à 3 millions d’ici à 2030, explique Jeanette Süss. A l’heure actuelle, il faut déjà un surplus migratoire de minimum 400 000 personnes pour couvrir les besoins. » D’ailleurs, le pays continue de développer des accords de recrutement, comme avec le Kenya et l’Ouzbékistan.
- « C’est dangereux, prévient Jeanette Süss, car dans la zone est-allemande, le déclin démographique est encore plus prononcé, et il y a un climat très dissuasif où même les gens qui sont qualifiés et pourraient travailler ne veulent plus aller, ce qui suscite l’inquiétude chez l’équivalent allemand du Medef. »
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