Pour une relance du cycle du développement: refonder le consensus multilatéral après Cancun
Le programme de développement de Doha conjuguait trois demandes divergentes des membres de l’OMC: les pays en développement voulaient rééquilibrer en leur faveur les accords existants; les Etats-Unis voulaient un nouveau cycle de libéralisation ; l’Europe le voulait aussi, mais en l’équilibrant par un enrichissement des règles économiques mondiales sur les 'sujets de Singapour'.
Cancun a fait éclater ces ambiguïtés et l’échec de la conférence pourrait engendrer une panne durable de l’OMC. Cette dernière doit affronter deux grands défis.
Un défi systémique est lié aux limites de la 'méthode de fabrication' du consensus international, que l’OMC avait de facto héritée du GATT. L’approche mercantiliste de la négociation a échoué à équilibrer enjeux de libéralisation et de régulation. Le 'consensus censitaire' qui privilégiait le pouvoir des grandes puissances commerciales affronte les rapports de force nouveaux créés par des stratégies d’alliance inattendues. La 'diplomatie non gouvernementale' s’est professionnalisée –de Johannesburg à Cancun– et occupe les vides laissés par l’assistance du Nord au commerce des pays les plus pauvres.
Un défi stratégique est lié au doute sur la pertinence même de la libéralisation multilatérale comme paradigme de croissance. A Cancun, la géographie des peurs opposait: l’agriculture du Nord à la paysannerie du Sud; les industries du Sud au géant chinois; la doctrine libre-échangiste des institutions multilatérales aux attentes concrètes des pays en développement sur le terrain de l’aide.
Ce doute est profond et, au-delà de Cancun, pourrait se figer dans une préférence collective pour le statu quo actuel à l’OMC.
Ce statu quo serait porteur de menaces. Une multiplication des contentieux emporterait un transfert de responsabilité du 'législateur' vers le 'juge' commercial international et pourrait engendre des tensions politiques et économiques minant le système d’échange ouvert. La prise de distance américaine vis à vis du multilatéralisme et la montée de la tentation protectionniste, notamment contre la Chine, accroît la portée d’une telle menace. Dans ce contexte, l’alternative d’accords commerciaux régionaux de libéralisation a de quoi séduire, mais pourrait accentuer la marginalisation économique des pays les plus pauvres.
Un effort de relance des négociations de Doha est donc nécessaire. Les diplomates peuvent y contribuer en recherchant de nouvelles méthodes permettant d’atteindre plus souplement le consensus: la piste des schémas de 'coopération renforcée' ou 'accords plurilatéraux' offre une piste sans doute plus féconde que celles d’une renégociation des thèmes de l’agenda de Doha, ou de l’engagement de l’OMC dans une réforme institutionnelle d’envergure.
Mais l’effort de relance n’aboutira pas sans remise en chantier d’un consensus politique multilatéral sur le fond. Pour espérer surmonter les ambiguïtés du programme de Doha, une mise à jour du partage des responsabilités globales entre acteurs du Nord et du Sud sera nécessaire. Répartir équitablement le poids des efforts de libéralisation suppose: de simplifier les équations mercantilistes de la négociation à l’OMC; d’introduire des bases objectives de différenciation de chaque niveau de développement; de systématiser l’effort d’aide indispensable à l’accompagnement des processus d’ouverture au Sud.
Contenu disponible en :
Régions et thématiques
Utilisation
Comment citer cette publicationPartager
Téléchargez l'analyse complète
Cette page ne contient qu'un résumé de notre travail. Si vous souhaitez avoir accès à toutes les informations de notre recherche sur le sujet, vous pouvez télécharger la version complète au format PDF.
Pour une relance du cycle du développement: refonder le consensus multilatéral après Cancun
En savoir plus
Découvrir toutes nos analysesThink Tank 7 - Note de recommandation destinée à la présidence du G7
Le Think Tank 7 (T7) est un groupe d’engagement qui réunit les principaux Think Tanks de l’ensemble des pays membres du G7 afin de formuler analyses et recommandations sur les thèmes clés choisis par le pays qui assure la présidence du G7.
Commerce international - Raviver l'intérêt pour une approche multilatérale fondée sur des règles
Le commerce international est un des thèmes qui constitue la véritable raison d’être du G7, à côté des questions de sécurité internationale et de politique énergétique.
Le milieu des affaires et l’Europe : quel rôle pour les entreprises dans le débat sur l’avenir de l'Union européenne ?
Alors que l'Union européenne (UE) fait l'objet de critiques grandissantes, avec la propagation d’arguments eurosceptiques dans le débat politique et l'ouverture de débats sérieux sur son avenir, il apparaît important de se poser la question de la façon dont l'UE est aujourd'hui perçue par les entreprises européennes ainsi que de l'existence d'un rôle particulier qu'elles pourraient jouer pour améliorer la situation.
The Ongoing Economic Crisis - 1 & 2: Comments on the EU Strategy / The Causes of the Crisis
Cette série de notes d'analyse, publiée par l’Ifri et le Canon Institute for Global Studies examine, d’un point de vue japonais, les causes, mécanismes et conséquences de la crise économique mondiale, ainsi que les diverses réponses apportées par les gouvernements pour y faire face.