L’Allemagne et le Partenariat oriental après la crise en Ukraine

Le conflit en Ukraine et autour de ses enjeux a propulsé le Partenariat oriental (PO) de l’Union européenne sous les feux de la rampe de la scène internationale. Considérée dédaigneusement comme un instrument politique bureaucratique et technique, la Politique européenne de voisinage (PEV) et son volet régional couvrant l’Europe de l’Est au sens large, le Partenariat oriental, ont gagné en importance de façon tout à fait inattendue sur le plan géopolitique en l’espace de quelques mois.

Du même coup, l’Allemagne – pourtant réticente à se placer en première ligne de l’initiative du PO – s’est retrouvée au centre des efforts de gestion de crise déployés en Ukraine. Pourtant, la position générale de l’Allemagne vis-à-vis du PO n’en a pas été changée pour autant en ce qui concerne la perspective d’une possible adhésion à l’UE des pays les plus avancés. Pour l’Allemagne, le PO reste un outil d’Ordnungspolitik – dont l’objet est de ramener l’ordre dans la région – et non un instrument de pré-adhésion.
Le réexamen de la PEV 2015 reflète bien la position de l’Allemagne : il ne mentionne rien sur la possibilité d’une perspective d’adhésion et ne prévoit qu’un nombre limité de mesures incitatives supplémentaires pour les pays associés que sont l’Ukraine, la Géorgie et la Moldavie. Du point de vue de l’Allemagne, le soutien de l’UE doit se concentrer plus sur le renforcement de la conditionnalité pour éviter un recul dans les pays associés et moins sur de nouvelles incitations financières ou de nouvelles formes de coopération. Malgré le conflit qui secoue l’Ukraine, l’Allemagne reste convaincue que la stabilisation dans le voisinage ne peut être accomplie que grâce à la Russie, et non contre elle.
Il reste à savoir si cette approche suffit à mener le processus de transformation visé et à apporter la stabilité dans le voisinage dans le contexte d’une Russie qui prend de l’envergure. Pour les pays non associés (Arménie, Biélorussie et Azerbaïdjan), les aspirations de transformation de la PEV ont été abandonnées au profit d’une démarche plus pragmatique et transactionnelle : les coopérations différenciées offrent à ces pays un nouveau moyen de s’entendre avec l’UE au-delà des accords d’association ou des zones de libre-échange approfondi et complet. Au-delà de la gestion de crise, le défi que représente le cas ukrainien pour le leadership allemand reviendra à poser la question de savoir ce que l’Allemagne pourra faire de plus si Minsk II n’est pas mis en oeuvre et si le conflit dans l’est de l’Ukraine devient un conflit de plus dans la région, voué à durer et rester sans solution.
Liana Fix est membre du département de recherche Europe de l’Est et Eurasie de l’Institut allemand pour la politique internationale et la sécurité (SWP).
Anna-Lena Kirch est assistante de recherche au Programme Europe du German Marshall Fund of the United States (GMF).
Cette publication est également disponible en anglais ici.
Contenu disponible en :
Régions et thématiques
Utilisation
Comment citer cette publicationPartager
Téléchargez l'analyse complète
Cette page ne contient qu'un résumé de notre travail. Si vous souhaitez avoir accès à toutes les informations de notre recherche sur le sujet, vous pouvez télécharger la version complète au format PDF.
L’Allemagne et le Partenariat oriental après la crise en Ukraine
Centres et programmes liés
Découvrez nos autres centres et programmes de rechercheEn savoir plus
Découvrir toutes nos analysesCe passé qui oblige
Les relations germano-polonaises ne sont pas au beau fixe. L’absence de Donald Tusk à la rencontre du 18 octobre dernier à Berlin en est certainement l’une des meilleures illustrations. L’Allemagne a pourtant une responsabilité historique à l’égard de la Pologne. Hans Stark explique.
La France attend-elle Friedrich Merz ?
En appelant à un « renouvellement et un approfondissement » des relations avec la France, Friedrich Merz entend insuffler un nouvel élan à la relation bilatérale.
Les Verts allemands comme parti de rassemblement. La fin d’une illusion ?
Lors du congrès de Wiesbaden en novembre 2024, Robert Habeck, actuel ministre de l’Économie et du Climat, est désigné candidat de Bündnis 90/Die Grünen pour les élections législatives anticipées du 23 février 2025. Fondé il y a quarante-cinq ans, l’ancien parti contestataire est aujourd’hui fermement établi dans le paysage politique allemand. Souhaitant tourner la page d’une coalition « feu tricolore » malaimée, le parti mise sur la personnalisation de la campagne et un discours optimiste tourné vers l’avenir et la garantie d’une vie meilleure, sociale et équitable.
La montée en puissance de l’extrême droite : l’AfD et le choix de la radicalité
Fondée en 2013, l’Alternative pour l’Allemagne (AfD) a continuellement durci ses positions au gré des crises. Depuis 2015-2016 et l’arrivée massive d’immigrés en Allemagne, elle se positionne comme un parti virulemment anti-migrants et continue de consolider son assise dans le système politique allemand, notamment dans les parlements. Si son ancrage est surtout fort dans les régions de l’Est où se trouvent ses principaux bastions, elle séduit également de plus en plus d’électeurs à l’Ouest dans un contexte global de normalisation de l’extrême droite et un contexte national marqué par une forte déstabilisation économique et politique.