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La Chine et les normes techniques : enjeux géopolitiques

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La Chine s’impose rapidement comme une puissance redoutable dans l’élaboration de normes techniques, transformant le paysage international de la normalisation et réintroduisant un élément de géopolitique dans ce que l’on considère trop souvent comme de simples processus techniques.

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Qu’il s’agisse de domaines technologiques émergents tels que la 5G, l’intelligence artificielle (IA), l’Internet des objets (IoT) et les villes intelligentes (smart cities), ou bien de secteurs traditionnels comme l’énergie, la santé, les chemins de fer et l’agriculture, la Chine se montre de plus en plus proactive dans presque chaque domaine où il reste à élaborer et fixer des normes techniques.

Les normes techniques définissent les processus ou caractéristiques techniques visant à améliorer la qualité, la sécurité et la compatibilité de divers biens et services, par exemple la norme GSM pour les télécommunications ou le WiFi pour l’internet sans fil. Elles peuvent être considérées comme des caractéristiques ou des technologies de base à partir desquelles évolueront d’autres technologies ou procédés, en créant des effets de verrou et une dépendance du sentier (« path dependency ») pour les futurs produits et trajectoires technologiques. Le fait d’établir des normes peut présenter des avantages significatifs pour la société dans son ensemble, mais peut également avoir d’autres conséquences importantes, en déterminant quelles technologies domineront les marchés futurs et en donnant des avantages significatifs à ceux qui maîtrisent les technologies normalisées.

Les décideurs chinois sont aujourd’hui parfaitement conscients du lien entre l’établissement de normes techniques et le pouvoir économique. En effet, selon un dicton populaire chinois, les sociétés de troisième rang fabriquent des produits, les sociétés de deuxième rang font les technologies, et les sociétés de premier rang font les normes. En 2015, le Conseil des affaires de l’État a souligné les lacunes de la Chine dans ce domaine. Il a ainsi entrepris de transformer le système de normalisation du pays, cherchant à exploiter la capacité d’établissement de normes non seulement pour améliorer la vie quotidienne de ses citoyens, mais aussi pour stimuler l’innovation et l’évolution économique de la Chine vers les industries du futur et faire de la Chine un pourvoyeur de normes techniques internationales de premier plan.

En effet, la capacité à définir des normes techniques est à la fois une manifestation et un instrument de la course au pouvoir des grandes puissances. Jusqu’à présent, ce domaine était largement dominé par les États-Unis, l’Europe et le Japon. La Chine, qui est un nouveau venu dans le monde de l’établissement des normes internationales, a dû mener une rude bataille pour influencer le développement de ce secteur. Néanmoins, la Chine développe sa capacité à proposer des innovations de base dans un nombre croissant de domaines technologiques émergents. En témoignent ses succès dans le domaine de la 5G et ses ambitions dans celui de l’IA – et dans ce contexte, la Chine acquiert une capacité toujours croissante à transformer le paysage international de la normalisation, et cherchera de plus en plus à orienter les normes internationales de manière à servir ses propres intérêts. La Chine a déjà intégré de manière proactive les principaux organismes de normalisation tels que l’Organisation internationale de normalisation (ISO) et un large éventail d’instances internationales au niveau sectoriel, dans lesquelles sont élaborées des normes techniques. Dans le même temps, elle suit une voie parallèle à celle du multilatéralisme existant, une voie plus sino-centrée qui consiste à promouvoir la « reconnaissance mutuelle » des normes au niveau bilatéral avec un grand nombre de pays, et la poursuite de nombreuses initiatives de normalisation dans le cadre de son projet des Nouvelles routes de la soie.

Concrètement, la double approche de la Chine en matière de normalisation internationale reflète deux tendances contraires : d’une part, une plus grande coopération et convergence en matière de normes, et d’autre part, une fragmentation ou division plus importante des régimes de normes techniques internationales. Dans le même temps, l’économie mondiale est confrontée à des pressions antagonistes similaires : le protectionnisme et le techno-nationalisme croissant s’opposent à une nouvelle vague potentielle de mondialisation portée par les technologies. Le remodelage du système international, sous l’effet de l’émergence de la Chine, prend une portée plus importante et les tensions géopolitiques s’intensifient. Dans ce contexte, la scène de la normalisation permettra de jauger si le monde prend un virage davantage intégré et mondialisé, ou si au contraire il évolue vers des systèmes économiques et politiques internationaux plus fragmentés

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La Chine et les normes techniques : enjeux géopolitiques

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John SEAMAN

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Chercheur, Centre Asie de l'Ifri

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Énergie et Climat
Centre énergie et climat
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Le Centre énergie et climat de l’Ifri mène des activités et recherches sur les enjeux géopolitiques et géoéconomiques des transitions énergétiques. Il travaille à la fois sur les enjeux de sécurité énergétique, de compétitivité, de maîtrise des chaînes de valeur, et d'acceptabilité. Spécialisé dans l’étude des politiques européennes de l’énergie et du climat, et des marchés de l’énergie en Europe et dans le monde, ses travaux portent aussi sur les stratégies énergétiques et climatiques des grandes puissances comme les Etats-Unis, la Chine ou l’Inde. Il offre une expertise reconnue, enrichie de collaborations internationales et d'événements à Paris et à Bruxelles, notamment.

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Couverture Politique étrangère 4-2024

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Date de publication
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La Chine et les normes techniques : enjeux géopolitiques