Comprendre le Citizenship Amendment Act indien de 2019 : processus, politique, protestations
La nouvelle loi indienne sur la citoyenneté est un résultat du constitutionnalisme de l’Hindutva qui légitime la notion de victimisation du peuple hindou. Bien que l’opposition à cette loi fasse clairement entendre sa voix, elle reste fragmentée.
L’objectif de cet article est d’examiner en détail l’histoire du Citizenship Amendment Act (CAA) 2019, une loi adoptée par le Parlement indien qui offre la citoyenneté aux communautés religieuses non musulmanes de trois États à majorité musulmane (Pakistan, Bangladesh et Afghanistan). L’article envisage le CAA comme un phénomène politique et s’efforce d’identifier les dynamiques politiques qui y sont liées. Il pose trois séries de questions : a) Quel est le contexte historique / politique qui rend cette loi aussi controversée ? b) Quelles sont les questions juridico-techniques liées à cette loi et quelles en sont les implications politiques ? c) Quelle a été la réaction des différents groupes, en particulier des communautés musulmanes ? Quels sont leurs arguments et leurs positions ?
Cet article soutient que le CAA est un résultat du nouveau constitutionnalisme de l’Hindutva. Pour s’affirmer, cette politique s'appuie fortement sur les ambiguïtés juridico-techniques inhérentes au cadre de citoyenneté post-1980. La tendance à une centralisation et un contrôle de l’Etat plus fort dans la réglementation du système de citoyenneté transparaît non seulement dans le CAA, mais aussi dans le National Register of Citizens (Registre national des citoyens) et le National Population Register (registre national de la population). De ce point de vue, le CAA découle de la notion de New India, doctrine politique se fondant sur l’importance d’avoir des « responsive citizens ».
Deuxièmement, le CAA se concentre essentiellement sur le nouvel électorat Hindutva du BJP. Les non-musulmans venant d'Afghanistan, du Pakistan et du Bangladesh n'obtiendront pas la citoyenneté indienne dès leur arrivée. En effet, le gouvernement n'a pas encore défini le mécanisme qui permettra de déterminer le niveau de persécution religieuse subie, condition préalable à la citoyenneté en vertu des règles de 2015. En fait, rien ne garantit à ces migrants d’obtenir un jour la citoyenneté indienne. Cette ambiguïté technique est toutefois politiquement utile, en ce qu’elle permet aux forces de l’Hindutva de reformuler l'argument de la victimisation hindoue. En ce sens, la citoyenneté pour les personnes non-musulmanes de pays musulmans constitue un nouveau projet à long terme de l'Hindutva contemporain.
Troisièmement, l'opposition au CAA est également fragmentée. La classe politique ne cherche pas à remettre en question l'hégémonie de l’Hindutva. A l'exception de quelques partis, les groupes non-BJP ont eu du mal à s'associer directement aux manifestations anti-CAA. Par conséquent, la dynamique déclenchée par les manifestations anti-CAA dominées par les musulmans n’a pas pu être exploitée pour faire émerger une critique de l’hégémonie de l’Hindutva.
Cette étude est disponible en anglais uniquement: Making Sense of India’s Citizenship Amendment Act 2019: Process, Politics, Protests
Contenu disponible en :
Régions et thématiques
ISBN / ISSN
Utilisation
Comment citer cette publicationPartager
Centres et programmes liés
Découvrez nos autres centres et programmes de rechercheEn savoir plus
Découvrir toutes nos analysesLa coopération de sécurité maritime dans le Pacifique
La France joue un rôle important dans la sécurité maritime du Pacifique, notamment à travers la participation active de ses territoires d'outre-mer et la contribution de ses forces armées stationnées aux initiatives de coopération régionale.
L'IA et les normes techniques en Chine et dans l'UE : Priorités divergentes et le besoin de terrain d'entente
Vu le potentiel hautement perturbateur de l'IA, la coopération mondiale en matière de sécurité et de gouvernance de l'IA est primordiale. Cependant, le potentiel profondément transformateur de l'IA garantit également qu'un niveau élevé de concurrence et de rivalité systémique est probablement inéluctable. Comment l'UE peut-elle gérer au mieux sa relation complexe avec la Chine dans le domaine de l'IA afin d'assurer un niveau nécessaire de coopération malgré la concurrence et les rivalités ?
L’essor du programme spatial taïwanais : Construire une industrie, soutenir la sécurité nationale
Taïwan, connu pour son leadership dans le domaine des semi-conducteurs et des technologies de l’information et de la communication (TIC), fait aujourd’hui des progrès significatifs dans l’industrie spatiale. Bien qu’historiquement modeste, le programme spatial taïwanais s’est transformé depuis 2020, sous l’impulsion de la présidente Tsai Ing-wen qui s’est engagée à développer les capacités spatiales du pays. Parmi les étapes clés figurent l’adoption de la loi sur le développement spatial et la création de l’Agence spatiale taïwanaise (TASA), qui a renforcé les ressources et la visibilité des ambitions spatiales de Taïwan.
La surproduction chinoise de puces matures : Des craintes infondées
La Chine, plutôt que d’inonder le marché mondial des semi-conducteurs à technologies matures, s’en dissocie. Si les politiques industrielles chinoises favorisent de plus en plus la production nationale de semi-conducteurs, sa propre demande en puces, en constante augmentation, devrait empêcher une arrivée massive de puces chinoises à bas prix sur les marchés étrangers. Cependant, à mesure que Pékin progresse dans son objectif de réduire la dépendance des industries nationales aux puces étrangères, les entreprises européennes et américaines de semi-conducteurs à technologies matures pourraient ressentir les effets d’un écosystème de semi-conducteurs chinois de plus en plus « involué » (内卷).