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Afghanistan : Daech, une menace pour la population, les Etats-Unis... et les talibans

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interrogé par Clément Daniez pour

  L'Express
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Un double attentat suicide revendiqué par le groupe djihadiste Etat islamique a fait des dizaines de morts, dont 13 soldats américains, à l'aéroport de Kaboul. Les informations sur les menaces d'un attentat visant les opérations d'évacuation en Afghanistan se sont révélées exactes.

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Un double attentat suicide revendiqué par le groupe djihadiste Etat islamique a fait des dizaines de morts, dont au moins 13 soldats américains, jeudi à l'aéroport de Kaboul. Le bilan s'élèverait à au moins 85 morts et plus de 150 blessés.  

"Nous vous pourchasserons et nous vous ferons payer", a affirmé le président américain Joe Biden à l'adresse des auteurs de l'attaque la plus meurtrière contre l'armée américaine en Afghanistan depuis 2011, revendiquée par le groupe Etat islamique. 

Quelques heures plus tôt, les Etats-Unis, le Royaume-Uni et l'Australie avaient appelé les personnes rassemblées dans ce secteur à s'en éloigner "immédiatement", afin d'échapper à une attaque possiblement "imminente" de l'EI. Selon le quotidien italien La Repubblica, une alerte de la CIA distribuée aux alliés des Américains évoquait la possibilité d'un attentat sophistiqué, avec plusieurs détonations, pour maximiser le nombre de victimes. Déjà, la veille, le président américain Joe Biden avait justifié sa décision de maintenir au 31 août la date limite pour le départ des forces étrangères par un "risque grave et croissant d'attaque" de l'EI-Khorasan, le nom de cette branche de Daech présente en Afghanistan et dans les pays limitrophes. 

Les populations rassemblées aux abords de l'aéroport constituent une aubaine pour ces djihadistes.

  • "Ils sont plus sectaires que les talibans, et tous ceux qui ne sont pas avec eux, sont contre eux, rappelle Elie Tenenbaum, chercheur à l'Institut français des relations internationales (Ifri) et auteur de La guerre de vingt ans : djihadisme et contreterrorisme au XXI siècle (Robert Laffont). Leurs cibles sont avant tout locales, et les Afghans cherchant à fuir le régime des talibans, du fait de leurs liens avec les forces internationales, leur appartenance à des minorités confessionnelles, ou leurs activités, représentent ce qu'ils exècrent." 

Ces dernières années, l'EI a perpétré quelques-unes des attaques les plus meurtrières en Afghanistan, grâce notamment à des cellules présentes à Kaboul. L'organisation terroriste serait à l'origine du plus sanglant attentat du pays en 2021 : 85 morts après des explosions devant une école de filles d'un quartier chiite de la capitale, le 8 mai dernier. Un an plus tôt, non loin de là, trois hommes armés de l'EI avaient déjà assassiné 25 personnes, dont des bébés, dans une maternité. Deux exemples parmi une longue liste d'atrocités ayant coûté la vie à des centaines de civils. 

Lutte acharnée entre l'EI et les talibans

L'EI revendique aussi des meurtres de talibans, qu'ils considèrent comme des apostats et des complices des Américains. Les deux groupes radicaux se livrent une lutte acharnée depuis l'émergence de la branche locale de l'EI, au milieu des années 2010, à l'apogée du mouvement en Syrie et en Irak. A l'avantage, cependant, des talibans, un mouvement tout aussi nationaliste que fondamentaliste :

  • "Ceux-ci disposent d'une assise populaire, tandis que l'EI a beaucoup moins de soutiens et a été assez vite été battu en brèche, plus par les talibans que l'ancien gouvernement, précise Elie Tenenbaum. Il s'agit plus d'un noyau d'activistes, pour qui l'enjeu est de se faire une place, en dépit du contrôle territorial des talibans." 

Dans un récent rapport, l'ONU estime que l'EI-Khorasan conserve environ 1500 à 2200 combattants dans les provinces de Kounar et Nangarhar, les seules où il a réussi à s'implanter durablement, près de la frontière pakistanaise. Il fait également état de "plus petits groupes" dans celles du nord, "constitués majoritairement de Tadjiks et d'Ouzbeks de souche faisant partie des populations locales", et, selon "des organismes de sécurité afghans", une cellule "comptant 450 hommes autour de Mazar-i-Sharif".

  • "Les éléments de l'EI-Khorasan sont principalement des Afghans, pour certains ayant fait scission avec les talibans, auxquels s'ajoute une petite minorité d'étrangers envoyés par l'EI, précise Elie Tenenbaum. Sociologiquement, ils sont plus jeunes que les talibans, plus éduqués, et plus sensibles aux questions internationales." 

En échange de leur départ de l'Afghanistan, les Etats-Unis attendent des talibans qu'ils respectent leur engagement de ne pas permettre à des groupes terroristes d'y préparer des attaques contre les intérêts des Occidentaux. Cela signifie mettre sous cloche leurs amis d'Al-Qaeda, mais également de poursuivre la lutte contre leurs ennemis de l'EI.

  • "Daech peut servir aux vainqueurs d'épouvantail pour mettre en garde la communauté internationale et rappeler ce qui pourrait se développer sans eux, estime Elie Tenenbaum.

Mais les talibans veulent aussi les empêcher de mener une campagne d'attentats susceptible de nuire à leur projet étatique." Pour les nouveaux maîtres du pays, résolus à incarner une forme de sécurité et de stabilité auprès de la population, le risque serait de voir leur crédibilité mise à mal. 

 

> Lire l'article sur le site de L'Express

 

 

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Élie TENENBAUM

Élie TENENBAUM

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Directeur du Centre des études de sécurité de l'Ifri

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