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Mobilisation en vue de la COP 21 : quand le défi climatique se change en opportunité

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Les Nations Unies l’avaient annoncé : le sommet sur le climat du 23 septembre ne serait pas un sommet de négociation mais de mobilisation [1].

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Il reste pourtant beaucoup à faire pour arriver à une convergence de vues sur le contenu et la forme juridique de l’accord mondial sur le climat qui doit être signé à Paris en décembre 2015, mais les chefs d’Etats et de gouvernements étaient surtout conviés à New York pour marquer leur unité et donner ainsi un nouvel élan aux négociations internationales. Ce n’était d’ailleurs pas qu’un sommet, mais une semaine entière dédiée au climat. Les centaines de milliers de personnes qui ont défilé pour le climat et l’implication croissante des citoyens, des acteurs privés et des territoires ont donné l’image d’un monde prêt pour une action forte et qui n’accepterait pas que la conférence de Paris (COP21) soit un échec. Ban Ki-moon a probablement réussi son pari : c’est bien l’optimisme, la volonté de changement et la détermination à agir que l’on retiendra de la semaine du climat.

On aurait donc tourné la page du catastrophisme. Huit ans en arrière, Al Gore présentait son film « une vérité qui dérange » pour sensibiliser les opinions publiques aux effets dévastateurs du réchauffement climatique et l’économiste Nicholas Stern appuyait ce propos en chiffrant le coût de l’inaction à une perte de 5 à 10% du PIB [2]. Démonstration était faite que la seule option valable était de prendre ses responsabilités et d’agir aujourd’hui pour éviter que les générations futures n’aient à subir les conséquences. Mais l’argument n’a pas pris. Tirées par la croissance démographique et économique, les émissions de gaz à effet de serre (GES) ont augmenté de 2,2% par an sur la période 2010-2012, contre un rythme de progression annuel de 1,3% sur la période 1970-2000 [3]. Au vu de sa complexité et ses timides avancées, le processus de négociation internationale sur le climat a donné le sentiment d’un enlisement qui a culminé en 2009 à Copenhague devant l’impossibilité d’obtenir des engagements chiffrés sur la réduction des émissions. Face à ces errements, un changement d’approche apparait bien légitime. C’est d’ailleurs l’axe choisi par la diplomatie française qui entend privilégier le « partage des solutions » au « partage du fardeau » pour favoriser le succès de la conférence de Paris [4].

Dans ce nouvel « agenda positif », le rapport « meilleure croissance, meilleur climat » [5] apporte une contribution majeure. Il a été publié juste avant le sommet de New York par la Commission Globale sur l’Economie et le Climat présidée par l’ancien président du Mexique Felipe Calderón et qui s’appuie sur un comité consultatif d’économistes présidé par Nicholas Stern. Se plaçant dans la perspective des gouvernements soucieux d’atteindre des objectifs plus immédiats et plus prégnants, les auteurs reconnaissent qu’il sera plus aisé d’agir pour le climat si des bénéfices économiques peuvent être perçus à court terme et localement. La thèse défendue dans ce rapport est que l’économie mondiale va nécessairement connaitre de profonds changements dans les quinze prochaines années en raison de la croissance de la demande d’énergie et de produits agricoles et forestiers mais aussi de l’essor de la population urbaine. Pour faire face à ces bouleversements, des investissements significatifs devront être réalisés. Les orienter vers la construction d’une économie sobre en carbone serait à peine plus onéreux. Le scénario de référence table sur 89 trillions de dollars d’investissements d’ici 2030 alors que la trajectoire bas carbone présente un surplus de seulement 4 trillions. Si l’on ajoute à cela des coûts opérationnels réduits de 5 trillions sur la période considérée et que l’on intègre dans le raisonnement les « co-bénéfices » comme les gains en termes de santé publique liées à une meilleure qualité de l’air ou bien encore en termes de sécurité énergétique du fait de l’efficacité énergétique et des énergies renouvelables, alors le bilan économique est plus que positif, et cela avant même de prendre en compte les bénéfices climatiques de long-terme.

En pratique, on observe une convergence plus forte entre politiques de réduction des émissions de GES et politiques de développement durable et les premières apparaissent de plus en plus souvent comme un dérivé des secondes. Le cas de la Chine est en cela emblématique car ce pays est touché par une problématique connexe au réchauffement climatique, celle de l’aggravation de la pollution atmosphérique. C’est en premier lieu un risque éminent de santé publique mais aussi de déstabilisation sociale et de perte d’attractivité économique qui font que la Chine n’a d’autre choix que de renforcer ses engagements environnementaux [6] et en particulier de revoir la place du charbon dans son mix énergétique. Parmi les dix mesures du plan d’action sur la qualité de l’air présenté en septembre 2013, il est prévu de réduire la consommation de charbon dans trois provinces clés et un plafond national serait également à l’étude pour le prochain plan quinquennal. Puisque le charbon est la source la plus émettrice de GES du mix électrique [7], le climat ne peut que sortir gagnant de ce virage environnemental chinois.

Autre observation qui conforte l’argumentation théorique sur la complémentarité entre action pour le climat et bénéfices économiques : la mobilisation du secteur privé atteint des proportions inégalées. Au-delà des annonces, les firmes présentes à New-York ont cherché à défendre le « business case » de l’action pour le climat. Dans son rapport « the Climate has changed » [8] paru le 22 septembre, la coalition We Mean Business fait état d’un taux de rendement interne de 27% en moyenne pour les investissements bas carbone réalisés par les entreprises qui se sont engagées dans une trajectoire de réduction de leurs émissions plus ambitieuse que les recommandations sectorielles du GIEC. Ce sont enfin plus de 1000 entreprises et investisseurs qui se sont joints à l’appel de la banque mondiale pour une tarification du carbone [9]. Il serait excessif de conclure que l’ensemble du secteur privé se range derrière cet agenda climatique mais les convaincus sont plus nombreux et leurs voix plus audibles.

Peut-on en conclure que l’approche « bottom-up » se suffira à elle-même et que les négociations internationales sur le climat n’ont plus d’intérêt ? Probablement pas. Le monde se tient prêt mais il a besoin de signaux forts pour engager véritablement le mouvement. Entreprises et investisseurs disent compter sur les décideurs politiques pour affirmer le changement de cap et fournir un cadre stable pour le déploiement des investissements dans l’économie sobre en carbone. La perception des bénéfices associés à l’action climatique progresse et permet de rallier les plus gros émetteurs à l’action pour le climat. Néanmoins, les émergents, dont les émissions annuelles dépassent désormais celles des pays soumis aux obligations de Kyoto (GIEC, 2014), ne souhaitent pas pour autant renoncer au principe originel de « responsabilité commune mais différenciée », comme l’a rappelé le vice-premier ministre chinois Zhang Gaoli lors de son allocation à New-York. Certes, les gains économiques et les co-bénéfices plaident en faveur de la protection du climat, mais il est à craindre qu’ils ne permettent pas un dimensionnement des efforts à la hauteur des enjeux. C’est ici que l’approche « top-down » doit prendre le relais pour rehausser les ambitions nationales et garantir que la somme des engagements corresponde bien à l’objectif de maintien du réchauffement à +2°C par rapport aux niveaux préindustriels.  


[1] http://www.un.org/climatechange/summit/about/

[2] Nicholas Stern, » The Economics of Climate Change », 2006

[3] Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat, « Climate Change 2014. Mitigation of climate change »,  Contribution au 5e rapport d’évaluation,  avril 2014, http://mitigation2014.org/

[4] Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, « Document de présentation de la COP21/CMP11 », février 2014, http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/PARIS_COP21.pdf

[5] Global Commission on the Economy and Climate, « Better Growth, Better Climate  - Synthesis Report », septembre 2014, http://newclimateeconomy.report/

[6] Le 12ème plan quinquennal adopté en 2011 prévoit notamment de réduire l’intensité énergétique (-16%) et l’intensité carbone (-17%) de l’économie chinoise et de porter la part des énergies non-fossiles dans la consommation totale d’énergie à 11,4%. 

[7] A l’échelle mondiale, les centrales à charbon produisent 41% de l’électricité mais représentent 73% des émissions totales de CO2 du secteur (AIE, World Energy Outlook, 2013)

[8] We Mean Business Coalition, « The Climate has Changed », septembre 2014,

http://www.wemeanbusinesscoalition.org/sites/default/files/The%20Climate%20Has%20Changed_0.pdf

[9] http://www.worldbank.org/en/news/feature/2014/09/22/governments-businesses-support-carbon-pricing

 

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Carole MATHIEU

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Ancienne Responsable des politiques européennes au Centre Énergie et Climat de l'Ifri

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Le Centre énergie et climat de l’Ifri mène des activités et recherches sur les enjeux géopolitiques et géoéconomiques des transitions énergétiques. Il travaille à la fois sur les enjeux de sécurité énergétique, de compétitivité, de maîtrise des chaînes de valeur, et d'acceptabilité. Spécialisé dans l’étude des politiques européennes de l’énergie et du climat, et des marchés de l’énergie en Europe et dans le monde, ses travaux portent aussi sur les stratégies énergétiques et climatiques des grandes puissances comme les Etats-Unis, la Chine ou l’Inde. Il offre une expertise reconnue, enrichie de collaborations internationales et d'événements à Paris et à Bruxelles, notamment.

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