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Canada, Panama, Groenland : Trump, le grand bluff ?

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Le Panama, le Groenland, le Canada : autant de territoires que Donald Trump aimerait rattacher aux États-Unis. Au nom de la sécurité des États-Unis et pour des raisons économiques. Doit-on s'inquiéter des velléités expansionnistes de Donald Trump ? Il n’est pas encore officiellement en poste que déjà, le monde vacille sous l’effet de ses déclarations aussi tonitruantes que performatives. Donald Trump envisage rien de moins que de rattacher le Canada aux États-Unis pour en faire le 51e État ; reprendre le contrôle du canal de Panama par lequel transite 5% du commerce mondial ; et s’approprier la plus grande île du monde, le Groenland, par la force si nécessaire. 

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Donald Trump - 06 août 2022 à Dallas, Texas.
Donald Trump lors de la Conférence d'action politique conservatrice (CPAC), 6 août 2022, Dallas, Texas.
Anna Moneymaker/Shutterstock
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A chaque fois, le nouveau président des Etats-Unis développe ses arguments. Le Canada : « nous dépensons des milliards de dollars pour le défendre. Notre armée est à sa disposition. Il devrait être un Etat de l’Union ». Le canal de Panama : des ouvriers américains ont payé de leur sang sa construction, nous n’aurions jamais dû accepter de le rétrocéder, l’Amérique paye trop cher son utilisation. Le Groenland enfin, dont il veut s’assurer le contrôle et la propriété pour des questions dit-il de « sécurité nationale » et de « liberté à travers le monde ».

En d’autres temps, de telles annonces auraient été balayées d’un revers de main, car jugées trop loufoques. Ce n’est plus tout à fait le cas aujourd’hui. A la question, faut-il prendre au sérieux les velléités expansionnistes, voire impérialistes, de Trump, beaucoup répondent que Oui, il faut, même si pas grand monde n’imagine qu’il irait jusqu’à mobiliser l’armée pour mettre ses plans à exécution. Donald Trump est avant tout un homme d’affaires. Ce qui l’intéresse, c’est le business. Pour défendre ses intérêts économiques et commerciaux, il semble prêt à tout, y compris à exercer des pressions sur ses alliés (n’oublions pas que le Canada et le Groenland, propriété du Danemark, sont l’un et l’autre membre de l’OTAN).

Objectif : assurer la prospérité aux Américains. Mais en lorgnant sur des routes commerciales telles que celle qui relie l’Atlantique au Pacifique (le canal de Panama), et plus encore la prometteuse route du Nord dans l’Arctique rendue de plus en plus navigables par le changement climatique, Trump vise aussi des nœuds géostratégiques majeurs. Qui intéressent aussi la Russie et la Chine.

Est-ce à dire que ses menaces s’adressent moins à ses alliés qu’à ses adversaires ?

Thomas Gomart : « Les déclarations de Donald Trump, je les interprète dans deux directions principales. La première, c'est évidemment une manière d'exercer une pression extrêmement forte et performative sur les alliés parce que c'est quand même beaucoup plus facile de faire peur aux Européens et aux Canadiens que d'effrayer les Russes et les Chinois. Le deuxième élément, c'est que cela peut sembler très transactionnel de la part de Donald Trump. En réalité, cela s'inscrit dans une culture stratégique. Les États-Unis ont deux façades océaniques. Et le problème aujourd'hui pour eux, c'est de voir la montée en puissance de la Chine sur le plan balistique et nucléaire, de la Corée du Nord donc sur la partie pacifique, et le rapprochement entre la Chine et la Russie, et la Corée du Nord et l'Iran. Sur la plaque eurasiatique, vous avez désormais une convergence de forces qui peut avoir, dans la culture stratégique américaine, l'idée un jour d'aller vers les États-Unis. 

Je ne dis pas que c'est ce qui va se passer, mais c'est comme ça que résonnent fondamentalement les stratèges américains. Une sorte de zone de tension très forte. Parce que ce à quoi on se prépare avec l'ouverture de la route nord c'est le fait d'avoir très régulièrement des bateaux chinois dans l'Atlantique Nord et des bateaux russes qui continuent à croître en nombre. Donc il y a aujourd'hui à nouveau un sujet stratégique majeur : les États-Unis redoutent le fait d'avoir à gérer une menace qui vient du Pacifique et une menace qui vient de l'Atlantique. Et à cela s'ajoute évidemment ensuite la dimension des ressources naturelles. 

ll n'y a pas d'opposition de principe chez Donald Trump et dans son entourage sur le fait d'exploiter les ressources de l'Arctique, du Groenland, du Canada, des États-Unis, de relancer la production de pétrole et de gaz à plein. Cela fait partie de son approche traditionnelle. Ses déclarations sont une sorte de relance, d'une certaine manière, de la culture stratégique américaine. »

 

Invités :

Marc Lazar, professeur émérite à Sciences Po et professeur de « Relations franco-italiennes pour l’Europe » à l’Université Luiss de Rome
Anne-Lorraine Bujon, directrice de la rédaction de la revue Esprit et conseillère du programme Amériques du Nord à l’IFRI
Bertrand Badie, politiologue, professeur émérite à Sciences Po en relations internationales
Thomas Gomart, historien des relations internationales, directeur de l’Institut français des relations internationales (IFRI).

 

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Hervé Gardette

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Thomas GOMART

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Donald Trump lors de la Conférence d'action politique conservatrice (CPAC), 6 août 2022, Dallas, Texas.
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