29
sep
2023
Espace Média L'Ifri dans les médias
Marc JULIENNE, cité par Arnaud Vaulerin dans Libération

Crise économique en Chine : le système Xi entre parano et paralysie

Tout-puissant politiquement, Xi Jinping manque de leviers sur le front économique. Face au risque réel de contestation sociale, le régime se fait de plus en plus opaque tandis que des ministres «disparaissent» sans communication officielle.

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C’est le paradoxe du moment : l’homme qui préside et verrouille tout (l’armée, le parti, le gouvernement) est également celui qui peine à contrôler des pans entiers d’une économie qui se grippe dangereusement. A la différence de ses prédécesseurs, le président Xi Jinping a toujours privilégié l’idéologie sur le reste des affaires politico-économiques. Mais dix ans après le «grand rêve chinois» qu’il avait promu et promis à son arrivée au pouvoir, la réalité est tout autre et le réveil difficile pour les Chinois.

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« Or ce contrat vacille, fait remarquer Marc Julienne, chercheur sur la Chine au centre Asie de l'Institut français des relations internationales (Ifri). Les jeunes Chinois, par exemple, ont des perspectives de vie beaucoup moins positives que leurs parents et même leurs grands-parents, pourtant passés par l'expérience maoïste. Les lendemains apparaissent beaucoup plus sombres. Si ce contrat est rompu, la population sera plus apte à contester les décisions. »

« Ressources colossales »

L'année dernière, des centaines de milliers de personnes à travers le pays se sont révoltées contre une politique « zéro Covid » ubuesque qui correspondait à un verrouillage de villes et de quartiers entiers. Elle a été abandonnée, mais d'autres turbulences attendent les Chinois. « Les réformes de la fiscalité (plus forte imposition des classes moyennes supérieures et aisées) et des retraites (augmentation de l'âge de départ), évoquées depuis dix ans par le pouvoir, et nécessaire d'un point de vue économique, portent en elles un fort risque de crise et de contestation sociale », souligne François Chimits, analyste au Mercator Institute for China Studies.

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« Le régime est de plus en plus centralisé, de plus en plus personnalisé, de plus en plus paranoïaque, constate Marc Julienne. Il se livre à des purges sans fin au nom de la lutte contre la corruption. »

Déjà, lors du conclave communiste, il y a eu l'éviction manu militari - et devant les caméras - de l'ancien président Hu Jintao. Puis, en limogeant deux généraux, Xi Jinping a décapité le commandement suprême de la Force des missiles, la branche stratégique de l'Armée populaire de Chine chargée entre autres de l'arsenal balistique nucléaire. Nommé ministre des Affaires étrangères en mars, Qin Gang a été démis de ses fonctions et remplacé par Wang Yi, son prédécesseur, en juillet. Il a depuis disparu. Ces trois dernières semaines, des interrogations de plus en plus nourries visent Li Shangfu, le ministre de la Défense, devenu invisible sans aucune explication officielle.

« Courant réformateur »

Le sinologue Kerry Brown pointe un premier « signe inquiétant » sur l'évolution du PCC : une « tendance au conformisme, à un état d'esprit de loyauté au chef qui rendent très improbable l'expression d'une critique ou d'une alternative ». Difficile pour l'heure de croire à l'émergence d'un groupe de leaders ou d'une politique plus pragmatique. Marc Julienne, le chercheur de l'Ifri, rappelle comment le « courant réformateur de la ligue de la jeunesse communiste a été annihilé lors du XXe congrès et l'ancien Premier ministre Li Keqiang, qui jouissait d'une bonne image, mis à la retraite avant l'âge ». En 2022, il avait pris quelques distances avec Xi, en tentant de sécuriser une situation économique qui s'emballait déjà. Cette ligne pragmatique a été éradiquée.

Dans ce tableau « sombre », Kerry Brown souligne un autre élément d'inquiétude : « La Chine est en train de se fermer et adopte une posture défensive. Ce genre de mentalité est toujours dure à inverser rapidement. » Surgit alors le scénario catastrophe. Face à la possibilité d'un déclassement, d'un ralentissement, le régime chinois pourrait-il être poussé à des actions irrationnelles pour faire diversion, comme le redoutent certains experts ? « Cela pourrait bien être le contraire, estime Brown. On pourrait assister à une "dépriorisation" de la question taïwanaise et à de plus grands efforts du pouvoir pour restaurer de la stabilité pour sa classe moyenne.»

Marc Julienne n'évacue pas la possibilité pour le régime chinois de « lancer une offensive, de provoquer une contingence pour créer des conditions d'exception sur le territoire chinois en imposant la loi martiale, l'état d'urgence et en luttant contre les ennemis de la nation ». Pour l'heure, le régime tente, sans convaincre, de sécuriser son économie et poursuit, sans limite, son escalade militaire dans le harcèlement de Taiwan. Xi garde deux fers au feu. « La Chine est en train de se fermer et adopte une posture défensive. Ce genre de mentalité est toujours dure à inverser rapidement. » Kerry Brown professeur d'études chinoises au King's College de Londres.

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Economie chinoise Xi Jinping Chine