La France, cible privilégiée de la guerre hybride du Kremlin
Vladimir Poutine n’a pas digéré le tournant radical qu’a fait prendre Emmanuel Macron à la politique russe de la France après des années d’ambivalence à l’égard de Moscou.
Comme dans tous ses discours, celui qui a été prononcé par Vladimir Poutine le 9 mai, le «jour de la victoire» contre les nazis, avait un ton très anti-occidental. Mais de tous les pays occidentaux, la France est devenue l’une des principales cibles contre lesquelles s’acharne le Kremlin.
Depuis plusieurs mois, les attaques cyber et les opérations de désinformation « made in Russia » se sont multipliées contre l’Hexagone. En janvier, le pouvoir russe affirmait avoir tué 60 mercenaires français à Kharkiv. Deux mois plus tard, l’ancien président Dmitri Medvedev insultait Emmanuel Macron, un « trouillard zoologique » dans un tweet menaçant pris très au sérieux par l’Élysée. Lundi dernier, l’ambassadeur de France à Moscou, Pierre Lévy, a été convoqué pour la troisième fois au ministère des Affaires étrangères pour s’expliquer sur la politique « provocatrice » de Paris. Son ambassade a été taguée. Les provocations militaires sont aussi de plus en plus fréquentes. Quant aux propagandistes du Kremlin, ils dirigent régulièrement leurs menaces nucléaires contre Paris. Vladimir Soloviev a suggéré à la télévision d’envoyer des missiles sur le territoire français.
Mais les intérêts de la France sont aussi visés en dehors de l’Hexagone, notamment en Afrique, où les troupes françaises ont dû se retirer de République centrafricaine, du Niger et du Burkina Faso, pour y laisser la place aux mercenaires russes de Wagner, qui soutiennent les juntes et pillent les richesses des pays.
Une ambivalence vis-à-vis de Moscou
Pourquoi la France a-t-elle un tel traitement de faveur de la part des dirigeants russes? Pendant longtemps, elle a été prise pour cible parce qu’elle était considérée comme l’un des maillons faibles de l’Europe, celui qui défendait une politique d’apaisement et tendait régulièrement la main à Vladimir Poutine, même après l’invasion de l’Ukraine.
La volonté de la France d’être une puissance médiatrice, de mener une politique « d’équilibre » entre les grandes puissances, son attachement à une « troisième voie » vis-à-vis de la Chine, son obsession à rester indépendante des États-Unis en ont toujours fait une proie de choix pour les dirigeants russes, qui pouvaient enfoncer des coins dans sa politique.
« Le Kremlin voit historiquement la France comme un cheval de Troie pour étendre son influence dans l’espace post-soviétique et en Europe, pour déconnecter les États-Unis et l’Europe, et pour disloquer l’architecture de sécurité euroatlantique», écrit le spécialiste Dimitri Minic dans une note récente pour l’Ifri.
L’ambivalence vis-à-vis de Moscou entretenue pendant des décennies par les gouvernements et aujourd’hui encore par certains partis politiques, même si elle s’appuie sur des illusions, a toujours assuré une place particulière à la relation franco-russe, même au milieu des crises les plus graves. Cette ambivalence, interprétée à Moscou comme une marque de faiblesse, explique peut-être, encore aujourd’hui, pourquoi l’ambassadeur Pierre Lévy a été prié de se rendre à l’investiture de Vladimir Poutine le 7 mai, alors que la cérémonie a été boycottée par presque tous les pays occidentaux, que le président russe fait l’objet d’un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale et que les élections n’ont été ni libres ni démocratiques. À quelques semaines des fêtes du débarquement de Normandie et d’une conférence pour la paix, en Suisse, «Paris veut pouvoir garder des marges de manœuvre», explique un diplomate. Quitte à adresser à ses partenaires un message de confusion…
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> Lire l’intégralité de l’article sur le site du Figaro.
> Lire la dernière publication de Dimitri Minic sur le site de l'Ifri: "La politique russe d’Emmanuel Macron : étapes et racines d’une nouvelle approche, 2017-2024".
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